Engagée dans la démarche Ecoquartier et volontaire pour mettre en œuvre des actions innovantes au service de l’acte de bâtir, la Société par actions simplifiée (SAS) d’aménagement Bastide Niel a souhaité mettre en œuvre une démarche opérationnelle originale pour la gestion des travaux de terrassement. Son engagement très en amont par de l’ingénierie, financé en partie par le Programme d’investissements d’avenir PIA Ecocite- ville de demain, permet de mettre en scène des experts métiers locaux dans une logique de collaboration et d’innovation constante afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de préserver les ressources naturelles.

A cet effet, ArcaGée, bureau d’études girondin spécialisé dans la gestion du risque environnemental auprès des industriels et aménageurs accompagne la SAS d’aménagement Bastide Niel à travers la mise en œuvre de solutions de réutilisation sur site en tranchées, des différents types de sols et matériaux identifiés et extraits sur la Zone d’aménagement concerté (ZAC) : remblais faiblement pollués, ballast, bétons concassés… Ces actions permettent une diminution significative du trafic des camions, des nuisances et de la pollution associées.

Explications de Thierry Mauboussin, superviseur et fondateur d’ArcaGée et de Tangui Le Bras, directeur opérationnel.

1. Depuis 2004, vous intervenez auprès des décideurs dans le domaine de l’industrie, de la promotion, de la construction immobilière et de l’aménagement du territoire qui s’enquièrent des risques environnementaux, sanitaires et sociaux de leurs chantiers. Comment opérez-vous ?

« ArcaGée est une société locale travaillant sous le label OpenGée « Smart and fair for the Earth » dans le domaine de l’expertise au service de la Terre.

Son compétences dans les domaines de la géomatique, des géo/hydro/phyto/sciences et de l’intelligence environnementale lui permet d’opérer dans toute la France dans les domaines suivants : dépollution des sols et des eaux, valorisation des sols urbains et des déchets et économie circulaire associée.

Depuis novembre 2017, l’agence ArcaGée de Bordeaux-Bègles est certifiée selon la norme NFX-31-620 (chapitres 1 & 2) pour le domaine A Etude, Assistance et Contrôle et le référentiel « Certification de service des prestataires dans le domaine des sites et sols pollués ». A noter que la société ArcaGée suit les prescriptions de la norme NFX31-620 depuis sa version d’origine de 2003 qui a donné naissance à l’entreprise.

Grâce à notre ingénierie et à notre approche holistique, nous conseillons aux maîtres d’ouvrages qui le souhaitent, les options environnementales possibles pour pérenniser leurs projets urbains et nous participons activement à la mise en œuvre des solutions opérationnelles optimisées financièrement et techniquement. Notre démarche s’inscrit dans une économie circulaire des matériaux et des sols urbains au sein même des sites qui nous sont confiés afin de préserver les ressources. C’est en définitive une simple question de bon sens que nous développons à partir de principes anciens. Nous allions frugalité et performance dans la construction de la ville sur la ville en minorant les effets défavorables sur les ressources, la santé humaine et le climat. Le territoire peut s’apparenter à un organisme vivant qui doit être ménagé ! On peut alors parler de respect du métabolisme territorial.

Ce n’est pas la première fois que nous intervenons sur la métropole bordelaise. Toutefois ce chantier, mené à la demande de la SAS d’Aménagement Bastide Niel constituée de Bordeaux Métropole Aménagement, Aquitanis et Domofrance, est pour nous une expérience plus complexe et plus approfondie que tout ce que nous avons pu faire auparavant. 

En 2014 par exemple, nous avons été cités en exemple par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) pour notre intervention sur la ZAC Pont Rouge à Cenon qui a fait l’objet d’un vaste chantier de dépollution mené par Aquitanis et la Communauté urbaine de Bordeaux, aujourd’hui Bordeaux Métropole. L’espace dédié aux futurs logements (trois hectares) a fait l’objet de travaux de dépollution des sols par biodégradation des hydrocarbures sur site via des biotertres. Au total 3000 m3 de terres polluées excavées ont été traitées, îlot par îlot, sur une plateforme implantée spécifiquement sur le site. Cette méthode de gestion des pollutions, bien moins nocive pour l’environnement, a permis la réutilisation au sein de la ZAC d’une partie des terres traitées et une économie budgétaire de l’ordre de 30%. 

En plus d’intervenir pour des opérateurs privés comme par exemple Kaufman & Broad qui construit actuellement le programme Riveo sur l’îlot Queyries, nous opérons sur différents chantiers de Bordeaux Métropole Aménagement depuis 2010 : accompagnement sur les projets de construction du nouveau réfectoire du lycée Daguin à Mérignac, aménagement des terrains de l’îlot Santé Navale à Bordeaux et du site de l’ancienne fourrière aux Bassins à flot, et depuis 2015 sur le site de la ZAC Bastide Niel pour lequel nous avons développé une méthodologie de valorisation différenciée des milliers de tonnes de déblais de terrassements. » 

2. La SAS d’aménagement Bastide Niel a souhaité en mettant en place ce processus innovant, faire de la ZAC Bastide Niel un chantier durable exemplaire. Comment avez-vous procédé ?

« Dès 2015 la SAS Bastide Niel nous a sollicités pour analyser les risques environnementaux, sanitaires, sociaux et financiers du site de Bastide Niel. Cette posture innovante anticipait les prescriptions des Secteurs d’information sur les sols (SIS) qui sont imposées par la loi ALUR et qui sont obligatoires dans chaque département depuis le 1er janvier 2019.

Les études que nous avons réalisées en amont du projet respectent la méthodologie nationale sur les Sites et sols pollués (SSP) portée par les ministères successifs en charge de l’environnement (actuel ministère de la Transition écologique et solidaire). Rien n’est laissé au hasard, les étapes s’enchaînent et chaque mission est calibrée.

Études documentaires des archives du site qui se compose de friches ferroviaires, industrielles et militaires, analyse du contexte, de la nature des sols et des eaux souterraines, recherche des sources potentielles de pollution… Cette première phase préparatoire nous a permis de déterminer et de dimensionner la nature et l’étendue des actions d’évaluation de la qualité des sols et des eaux à mener et de définir avec le SAS d’aménagement, une stratégie opérationnelle. Puis, dans un second temps, nous avons entrepris des investigations de terrain. A l’aide de forages et de tranchées, nous avons traversé les remblais industriels que nous avons échantillonnés puis analysés, et atteint les sols naturels, ici de l’argile, situés entre un et trois mètres de profondeur.

Dans les faits, nous avons trouvé sur les anciennes emprises ferroviaires :

  • Des remblais sableux à sablo-graveleux de couleur noire principalement, avec des variations brunes ou grises, sur une profondeur d’un mètre à 1,5 mètre, de nombreux déchets de démolitions (brique, cailloux, verre, calcaire) et des mâchefers ont été observés en mélange. Ce faciès de remblais s’est avéré plus ou moins pollué et localement non inerte.
  • De la grave ciment, principalement au droit des anciens bâtiments sur la partie nord-ouest de la friche. Une quantité importante de ballast au droit des anciennes voies ferrées.

Et sur les anciennes emprises militaires (caserne Niel) :

  • Sous la couche d’enrobé existante, majoritairement des remblais sableux à sablo-graveleux de couleur marron à beige de bonne qualité environnementale et exempts de déchet.

Suite à ces analyses, un plan de gestion a été rédigé, en lien avec les travaux d’aménagement des futures voiries et espaces publics de la ZAC. Cette étape a pour principal objectif de déterminer et de définir les meilleures solutions de gestion des pollutions en fonction de la sensibilité de l’usage prévu. Autrement dit, il s’agit de proposer un scénario de gestion permettant une parfaite maîtrise des risques sanitaires et environnementaux selon l’usage programmé, tout en optimisant le facteur économique de l’opération. Dans le cas présent, la réflexion a été portée sur une réutilisation en tranchées d’une partie des différents gisements de matériaux générés par le chantier (sols excavés, ballast, …). Ces réflexions ont été menées avec la SAS d’aménagement Bastide Niel bien en amont des travaux de terrassement et soumis aux services techniques de Bordeaux Métropole pour avis et validation préalable. La mise en œuvre de ces prescriptions est aujourd’hui contrôlée par nos soins en notre qualité d’Assistant à maîtrise d’ouvrage sur la problématique Sites et sols pollués (AMO SSP). Le coût de ces études préalables approfondies a été pris en charge par la SAS d’aménagement Bastide Niel dans le cadre des études du dossier de réalisation de la ZAC, il est toutefois largement compensé par le fait de réutiliser les matériaux sur place qui évite le transport, l’évacuation et l’apport des éventuels matériaux neufs. Une économie substantielle de temps est aussi constatée en ce qui concerne le déroulement du chantier de Voirie et réseau divers (VRD), le stock des matériaux de remblai étant concentré dans le périmètre de la ZAC. »

3. Dépollution du site et réutilisation des terres excavées au sein même du chantier… Concrètement, ça se passe comment ?

« Nous avons tout d’abord délimité une première plateforme de tri, de stockage et de transformation des matériaux qui change de place en fonction de l’évolution du chantier. Tout est mis en œuvre pour que les matériaux déjà présents soient valorisés en fonction de leurs aptitudes mécaniques et de leurs qualités environnementales.

Une plateforme accueille le ballast (lit de pierres ou de blocs sur lequel repose une voie de chemin de fer) préalablement décapé sur 40 centimètres, qui y est criblé dans un tamis motorisé. Les cailloux recueillis sont ensuite réutilisés soit comme matériaux drainants, couches de forme ou encore dans le mélange terre pierre des fosses des 1400 arbres qui seront plantés par A+R Paysagistes

La plateforme reçoit également les déchets de béton du site qui sont systématiquement triés et concassés puis réemployés en couche de forme des futures voiries.

Les remblais noirs et marron quant à eux sont exploités sur le site en tranchées, selon différents usages basés sur leur qualité environnementale et mécanique. Alors que les déblais non réutilisables sont évacués.

Cette innovation en termes de processus environnemental souhaitée par la SAS d’aménagement Bastide Niel est validée par Bordeaux Métropole. Les cinq entreprises régionales qui opèrent sur le chantier : GUINTOLI (mandataire), EHTPSIORATSOBEBO & ATLANTIC Routes, y voient une véritable montée en compétence dans leurs pratiques et une atténuation significative des nuisances pour les riverains tout en diminuant considérablement leur empreinte carbone générée par le trafic des camions si la totalité des matériaux devait quitter le site. »